Métaphysique des tubes d'Amélie Nothom
Le topo: "Il existe des êtres qui ne subissent pas la loi de l'évolution. Ce sont les légumes cliniques", ou des tubes par où circule seule la nourriture.
Ces tubes ne sont pas pour autant sans cervelle puisqu'il arrive que celle-ci, suite à un "accident fatal", se réveille soudain, et déclenche la vie.
C'est exactement ce qu'a vécu la (très) jeune narratrice de Métaphysique des tubes durant les deux premières années de sa vie qui furent muettes, immobiles, végétatives, bref divines. Au sens propre, car ce singulier bébé n'ignore pas qu'il est Dieu lui-même, méditant sur ce monde qu'il hésite à rejoindre.
Sous forme de monologues intérieurs, considérations philosophico-drolatiques, on déguste le récit de ces trois premières années d'une vie française au Japon, pays merveilleux où de la naissance à la maternelle, l'enfant est un dieu.
Mon avis:
Bon, je commence à connaître le "style" Nothomb. J'aime bien. Et ça se confirme dans ce bouquin.
Ca commence avec un parrallèle déroutant entre, en vrac, Dieu/ un tube/ une petite fille et puis ailleurs, entre le néant/ la béatitude/ l'acceptation universelle. C'est pertinent et très bien écrit. Ca fait mouche.
On entre ensuite dans une phase moins abstraite, plus narrative: les premières années de la vie de la petite Amélie. Sa nostalgie du Japon me parle. Evidemment.
Si la mine est aiguisée, l'écriture brillante, le sujet intéressant, d'autant plus pour l'amoureuse du Japon que je suis devenue, je regrette par contre un peu la position très, trop, romancée, et très auto-centrée.
2 Citations:
"Il existe depuis très longtemps une immense secte d'imbéciles qui oppose sensualité et intelligence. C'est un cercle vicieux: ils se privent de volupté pour exalter leurs capacités intellectuelles, ce qui a pour résultat de les appauvrir. Ils deviennent de plus en plus stupides, ce qui les conforte dans leur conviction d'être brillants - car on n'a rien trouvé de mieux que la bêtise pour se croire intelligent."
Et puis un petit coup de coeur personnel pour cette citation:
"Un spectateur inculte et sincère qui entend du nô pour la première fois ne peut éprouver qu'un profond malaise, comme l'étranger qui mange pour la première fois l'âpre prune marinée au sel du petit-déjeuner traditionnel japonais."
tant elle est vraie et parlante quand on a gouté au fruit en question et écouté le style de chant en question.
Petite illustration de la dite prune:
Et notre illustration de la prune....
....
Ba faut pas vraiment chercher. C'est comme quand, nous, petits, on mettait un bouton d'or sous le menton et guettait la couleur de la peau pour savoir si on aimait le beurre. Et bien Yoko, petite, imitait la prune séchée et marinée ainsi...